Journal de Marathon : Semaine #13 — le récit (2ème partie)

Khalil Tarhouni
4 min readApr 5, 2024

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Les minutes passent comme des heures. Tout le monde est au summum de l’excitation. Avant de rejoindre les coureurs, on assiste aux dernières accolades et bisous de ceux qui sont venus encourager leurs proches. Avec du recul, je me suis dit qu’heureusement nous avons rejoint la foule 2 ou 3 minutes avant le départ. Écouter “O fortuna” de loin m’a fait trembler les pieds et j’avais déjà fait couler quelques larmes. Je sais que c’était encore tôt pour les larmes.

Départ — 5km

Je lance un set de 3H45 et je me lance. Quelques heures avant, à l’auberge, un Britannique avec plus de 15 marathons dans les jambes m’avait conseillé de rester un tout petit peu derrière les meneurs d’allures de 4H.

Les meneurs d’allures comme leur nom l’indique, sont des coureurs avec de gros ballons en helium (ou une autre indication) qui gardent la même allure ou presque tout au long de la course pour que les coureurs puissent jauger ou même les suivre.

Mon idée de départ était de rester entre les meneurs de 3H45 et 4H. Le britannique m’a rapidement et sublimement fait comprendre que c’était une mauvaise idée. “En restant légèrement derrière les 4H tu peux gérer tes efforts et si tu es en forme et tu le sens bien, tu accélères le dernier kilomètres et tu fais ton premier marathon en dessous des 4H”.

Cet objectif assez ambitieux a été rapidement écarté lorsque je me suis arrêté après 3km pour faire p*p*. J’avais vu le ballon de 4H s’éloigner et je me suis dit, ça ne va pas être pour cette fois-ci. Heureusement, d’ailleurs. Je me suis débarrassé de ce fardeau que je me suis mis et j’ai commencé à profiter de la course et m’amuser. Finisher, c’est ce qui compte. Je me suis promis d’appeler mes parents et mon frère à quelques mètres de l’arrivée, et c’est ce qui m’a aidé à tenir.

Déconcentré et un peu nonchalant, je n’ai pas suivi mon plan d’hydratation à la lettre. J’ai couru les 5 premiers kilomètres en 28:44. Nous étions bien lancés.

5km — 20 km

Les 15 kilomètres qui ont suivi se sont aussi bien déroulés. J’ai pris mes gels comme prévu, un gel toutes les 40–45min. Je temporisais à chaque fois pour prendre le gel juste avant les points de ravitaillement pour boire une petite gorgée après la contenance visqueuse du gel. A 57:09, j’avais terminé les 10km puis j’ai fait mon presque semi-marathon en 1:53:31 (troisième meilleur temps personnel).

Durant ces 20 premiers kilomètres, je me suis arrêté en tout 4 ou 5 fois pour faire p*p*. J’ai commencé à avoir des piqures dans les jambes. Il commence à faire chaud et mon tee-shirt noir n’a fait qu’aggraver la situation.

20km — 38km

À mi-chemin, je suis déjà passé par plusieurs états : joie, stress, larmes, fatigue, excitation, douleur, bonheur, extase…etc. Je me sens en pleine forme. Le parcours est magnifiquement agréable et les encouragements des gens donnent vraiment une énergie supplémentaire. Je franchis la borne des 25km à 2:22:41 puis les 30km à 2:50:52 (meilleur temps personnel sur cette distance). Il est presque midi. Les choses sérieuses vont commencer : perte d’appétit, soif, chaleur insupportable et surtout la perte de lucidité.

Tout au long de la course, je me préparais psychologiquement au mur des 35km.

Ce fameux mur invisible qui frappe les marathoniens de plein fouet. C’est à ce moment où quelques coureurs commencent à marcher ou se permettent une pause.

Étant bien préparé et physiquement encore en forme, je ne croise pas ce mur et je franchis les 35km à 3:20:03.

Je ne suis pas arrivé jusque-là pour m’arrêter ici. C’est ce que je me répétais chaque minute, en remerciant le tout-puissant. La lourdeur des jambes et la fatigue m’ont tout de même ralenti. Je suis passé d’une moyenne de 5:40/km à 6:00/km. Je termine le 38ème kilomètre en douleur à un rythme de 6:37/km, qui aura été le plus long kilomètre, ex aequo avec le 41ème.

38km — arrivée

Le manque de lucidité c’est de calculer qu’il vous reste 3km seulement à 38km et non pas 4. C’est aussi d’oublier quand est-ce qu’on a bu de l’eau la dernière fois ou quand est-ce qu’on doit prendre le prochain gel. C’est de ne pas savoir où mettre les pieds et risquer de trébucher. Je n’irai pas au point de parler du mur des 38km mais courir fut très difficile. J’ai des vagues souvenirs des derniers kilomètres.

J’ai appelé le groupe familial au 40ème kilomètre. Mon frère a décroché et je lui ai dit que j’en pouvais plus. J’étais en larme et j’avais mal partout. Il m’a encouragé et nous avons passé quelques minutes au téléphone. C’était un joli coup de boost et j’ai continué, lui promettant de l’appeler à l’arrivée.

Les sensations et l’ambiance de l’arrivée resteront à jamais gravées dans ma mémoire. Le reste n’est qu’histoire.

Je voudrais tellement vous raconter la suite de l’inoubliable journée du dimanche 18 février 2024, la suite de mon voyage au sud de l’Espagne… Mais je m’arrêterais ici.

Merci d’avoir lu jusqu’ici.

Love you all ❤

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Written by Khalil Tarhouni

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